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Les robots arrivent sur ARTE ! La série 100% humanoïdes : une vision effrayante du monde de demain |
Les techniques de robotique avancées |
Par Madlen Stange
Photos: © Arte; © Aldebaran Robotics
Traduction Éloïse Cologne et Alain Le Treut
Je dois avouer avoir été un peu surprise lorsque l’on m’a dit : « vous pouvez télécharger les instructions de redémarrage de votre robot sur notre page internet ». « Ah ha, mais que faire si cela ne fonctionne pas et qu’il ne peut toujours pas tenir en main une tasse de café ? » On me répondit alors : « Dans ce cas, vous pouvez sans souci aller l’échanger, ce modèle est encore en stock »
Ce qui a l’air de la science fiction, n’est en fait qu’un simple coup de téléphone que j’ai eu la semaine dernière avec Jonas Boberg, le soutien technique du magasin Hubot-ARTE, un chatoyant service d’achat en ligne, qui propose 200 modèles de robots humanoïdes, avec une évaluation des acheteurs.
Mais que se passe t-il chez ARTE ?
Cette boutique en ligne, appelée « Hubot » n’est pourtant qu’une campagne de publicité du Web 2.0, qui est fut crée par le canal franco-allemand pour la lancée de la série « Real Humans, 100% humains ». Une histoire perchée entre fiction et réalité. Merci ARTE !
Les 20 épisodes, qui diffusés tous les jeudis au mois de mai sont bien réels et le record de spectateurs qu’a enregistré ARTE lors des deux premiers épisodes est lui aussi bien réel : 13 millions de spectateurs. Vincent Meslet, directeur du programme, résume lors d’une interview : « Nous voulions proposer à nos spectateurs une série innovante, sachant le risque que cela impliquait. ».
Le genre de cette production suédoise reste partagé entre science-fiction, drame et thriller. Le producteur, Lars Lundström, qui est surtout connu pour avoir réalisé la série « Wallander : enquêtes criminelles » y produit ici un scénario fictif dans une tout autre réalité : des androïdes surdéveloppés, appelés Hubots sont présents partout, en tant que serveurs/ses, accompagnant/es de personnes âgées, ouvriers du bâtiment, hôtesses d’accueil ou encore gouvernantes. Mais plus grave encore, les Hubots n’ont pas seulement conquis le quotidien des humains, ils se sont aussi emparés de leur émotions.
On peut donc penser que ce n’est peut-être pas si innovant que cela, après tout un classique, cette relation Homme-Machine dans un format télévisé. On connait déjà K-2000, Battlestar Galaktica et aussi la trilogie Matrix adaptée au cinéma.
Ce divertissement télévisé nous entraîne dans un monde où les machines, les plus complexes soient-elles, développent leur propre pouvoir et osent remettre en question la race humaine, la combattre et la dominer. Pourtant Real-Humans (100% Humains) se distingue du reste. D’ailleurs, c’est pourquoi il est diffusé sur le canal « curiosité » d’ARTE. Effrayant.
Ce qui est effrayant, c'est plus exactement le monde dans lequel le producteur a choisi d’introduire l’histoire dramatique de ces robots : c’est le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, un monde parallèle qui se trouve quelque part en Suède. Lars Lundström explique d’ailleurs dans une interview donnée au journal Zeit-Online : « les spectateurs doivent arriver à accepter que le monde dans lequel le film est tourné, est également leur monde. De plus, nous n’avons pas représenté les robots avec des effets spéciaux, ce sont les acteurs qui les incarnent et qui donc les personnifient. L’important reste la relation Homme-Robot » Et c’est exactement sur ce point que se trouve le jamais-vu de la série. Ce qui est donc perçu dans "Real Humans" ou Äkta Människor, le titre originel suédois, comme une (R)évolution fictive, électronique et sociale d’une société post-moderne, c'est aussi une ébauche de nouvelles formes sociales et d’une nouvelle structure de la société.
Synopsis
L’intrigue se déroule quelque part en Suède. La façon de filmer rappelle beaucoup celle qui a été utilisée dans la rue Wisteria Lane de la série américaine « Desperate Houswifes ». Et ce n’est pas un hasard, d’ailleurs les personnages sont aussi différent du tout au tout.
Il y a Roger, un ouvrier ennemi des Hubots, dont la compagne s’est enfuie avec le Hubot-maison. Juste en face habitent la famille Engmann avec leurs trois enfants : Mathilda, Tobias et Sofia, ainsi que la Hubot aide ménagère Anita, très séduisante. Elle est programmée en tant que modèle domestiqué et est totalement dépendante de ses propriétaires. Mais ce que la famille Engmann ne sait pas, c’est qu’ Anita est une enfant de David, aussi appelé les Hubots sauvages. Ces Hubots ont été créés par David Einscher, un scientifique, qui a développé un code spécial pour les androïdes, ces robots humanoïdes seraient alors dotés d’une personnalité, d’une mémoire et peuvent sentir la douleur.
Similaires aux anges du producteur et réalisateur Wim Wenders dans son film « Les ailes du désir »(« Himmel über Berlin »), ils aspirent aussi, comme les robots-machines immortels de Lundström aux émotions humaines. Cela explique alors le combat pour l’autodétermination et l’individualité de ces robots.
Lars Lundström, qui normalement ne produit pas de série du genre science-fiction, fait vivre ses personnages dans un univers social complexe d’une société postmoderne au XXIéme siècle. Important aussi, sont surtout les conséquences sociales d’un technicisme perpétuel. Cette génération de robots montre également de nouvelles facettes à notre société vieillissante, au marché noir, à la sexualité et à la prostitution.
La faute du système- Fictif et réel
« Real Humans » nous fait également la critique du système capitaliste. Les Hubots sont des robots de forme humaine qui sont mis en vente comme de simples voitures ou téléphones portable, recyclés et enfin, envoyés à la casse. Leurs propriétaires font rapidement leur deuil et en rachètent un nouveau. Mais cela entraîne aussi un développement du marché noir. Qui sait alors d’où vient exactement le téléphone portable ?
Les « bricoleurs » clandestins de robots, les programmeurs et les Hackers, qui dans Real Humans sont vus comme les nouveaux pirates de l’air digital, prendront une position clé. Ils détiennent le pouvoir et le savoir, asservent les Hubots pour pouvoir ensuite les affranchir et leur donner, à l’aide de leurs programmes, une personnalité. Nous sommes dans de la fiction.
Mais le pouvoir de ces programmeurs et de l’informatique sur le marché mondial est au contraire plus que réel aujourd’hui, quand on pense aux actions des Anonymous, à la plateforme WikiLeaks ou encore aux mouvements Occupy, qui s’opposent au système capitaliste de notre société.
En se concentrant sur les relations sociales et les sentiments humains, la série est troublante et elle se veut intensément relativiste et postmoderne.
Par exemple : Inga Enelman est mère et avocate et elle refuse que des Hubots s’installent chez elle. Après une courte phase d’expérimentation, elle change d’avis et elle ne peut plus renoncer au luxe par son Hubot de ménage : Anita. Et lorsqu’une de ses amies commence à entretenir une relation avec un Hubot, elle s’engage dans une bataille judiciaire pour que les liaisons entre humains et hubots soient officiellement acceptées. Face à elle, l’association « Real Humans » (100% Humain) organise la résistance politique contre l’arrivée d’un « Homo technicus » dans les structures sociales et culturelles. La question de l’utilisation des robots dans la gériatrie est elle aussi un des sujets abordés.